Du règne des lignes à haute tension à l’ère des solutions hybrides et intelligentes
Depuis plus d’un siècle, les lignes à haute et très haute tension (HT et THT, 63 kV à 400 kV) constituent les artères vitales du système électrique. Elles assurent le transit de l’énergie active et réactive entre les centres de production et les zones de consommation. Mais à l’heure de la transition énergétique, leur modèle historique est remis en question : impact visuel, contraintes foncières, intégration des énergies renouvelables et exigences environnementales appellent de nouvelles solutions.
🔧 Les nouvelles pistes de progrès
Plusieurs approches sont à l’étude pour moderniser et adapter le transport d’électricité aux défis du XXIᵉ siècle :
- Enterrement partiel des lignes : cette solution améliore l’intégration paysagère et la sécurité, mais reste coûteuse et techniquement complexe à cause des pertes thermiques et des contraintes de maintenance.
- Pylônes design ou compacts : de nouveaux matériaux (acier galvanisé, composites, câbles torsadés) permettent de réduire la hauteur, la largeur et l’impact visuel des ouvrages, tout en respectant les normes électriques.
- Transport sans fil : en Nouvelle-Zélande, des prototypes testent la conversion du courant en ondes électromagnétiques, transmises vers un récepteur pour être reconverties en électricité. Une piste encore expérimentale, mais prometteuse pour les zones difficiles d’accès.
- Trains-batteries : des convois équipés de modules Li-ion ou sodium-ion rechargés sur site de production transportent l’énergie vers des zones isolées ou des micro-réseaux temporaires — un concept de “logistique énergétique”.
- Îlotage local : des micro-grids capables de fonctionner en autonomie lors d’incidents majeurs. L’incident du 28 avril 2025 en Espagne — une instabilité de tension qui a plongé la péninsule ibérique dans le noir — a montré l’intérêt de cette approche : les zones équipées de systèmes îlotés ont redémarré plus vite que le reste du réseau.
Ces pistes convergent vers une même vision : un réseau plus souple, plus local, et plus intelligent — capable de s’adapter aux besoins des territoires sans dépendre d’une architecture unique et rigide.
⚡ Une nouvelle “guerre des courants”
Comme à la fin du XIXᵉ siècle, où Tesla et Edison s’affrontaient entre courant alternatif (AC) et courant continu (DC), une nouvelle bataille s’ouvre aujourd’hui entre plusieurs architectures :
- Les réseaux HVAC (courant alternatif haute tension) classiques, interconnectés à 50 Hz.
- Les solutions HVDC (courant continu haute tension), plus efficaces sur longue distance, mais coûteuses en conversion.
- Les micro-grids locaux, intégrant stockage, solaire, éolien et régulation numérique.
- Les architectures hybrides combinant plusieurs sources, modes de transport et niveaux de tension.
Le choix entre ces approches ne sera pas uniquement technologique : il déterminera la structure économique, territoriale et écologique du système électrique du XXIᵉ siècle.
🇲🇦 Un paysage électrique marocain en pleine restructuration
Le Maroc vit aujourd’hui une transformation majeure de son modèle électrique avec la création des SRM – Sociétés Régionales Multiservices. Cette réforme marque la séparation claire des trois maillons essentiels :
- Production : désormais ouverte à la concurrence et à l’autoproduction, notamment grâce aux énergies solaire, éolienne et à la cogénération industrielle.
- Transport : confié à une entité nationale garantissant la stabilité du réseau, la synchronisation et la continuité de service entre régions.
- Distribution : décentralisée et pilotée par les SRM, proches du terrain et capables d’adapter la gestion aux besoins locaux.
Cette nouvelle architecture ouvre un potentiel de progrès considérable :
- Renforcement de la résilience grâce à des réseaux régionaux interconnectés et flexibles.
- Déploiement progressif de réseaux intelligents (Smart Grids) : comptage communicant, stockage local, régulation numérique et pilotage en temps réel.
- Intégration de l’autoproduction résidentielle, agricole et industrielle — avec possibilité d’injecter le surplus dans le réseau régional via des systèmes de rachat ou de compensation.
- Réduction des pertes techniques et amélioration de la qualité de tension (cos φ, harmoniques, flicker).
- Valorisation des données énergétiques via les plateformes de supervision SCADA et la norme IEC 61850.
Les SRM deviennent ainsi un pivot stratégique de la transition électrique marocaine, assurant la convergence entre le réseau national et les initiatives locales d’autonomie énergétique.
🌞 L’autoproduction : un levier d’innovation et de conscience énergétique
L’ouverture à l’autoproduction — qu’il s’agisse de particuliers, d’agriculteurs ou d’industriels — est une avancée majeure. Elle permet de désengorger le réseau, de réduire les coûts d’importation énergétique, et d’impliquer directement les citoyens dans la transition énergétique.
Couplée à la digitalisation (compteurs communicants, applications de suivi, IA prédictive), cette approche crée un nouveau rapport à l’énergie : non plus un simple consommateur, mais un acteur conscient et productif.
💡 Conclusion : vers un réseau modulaire et conscient
Le réseau électrique de demain ne sera pas unique, ni centralisé. Il sera hybride, modulaire et conscient de son territoire. La création des SRM, la montée de l’autoproduction et la diversification des technologies dessinent un nouveau modèle énergétique marocain — plus flexible, plus intelligent, et surtout, plus durable.
“Le futur de l’électricité n’est pas seulement technique. Il est territorial, humain et conscient.”


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